En 2050, l’humanité devra compter plus de 9 milliards d’individus, dont les deux tiers vivront en ville. Soit 2,5 milliards de nouveaux urbains par rapport à aujourd’hui, selon la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. La demande mondiale de nourriture va de fait augmenter de plus de 50 % pour répondre à la fois à cette croissance démographique et à l’élévation globale du niveau de vie. En rebond en 2080, près d’un milliard et demi de personnes souffriront de dénutrition, soit 600 millions de plus qu’actuellement. Pour faire face à cette demande d’alimentation, l’agriculture devra produire à plein régime. Or l’agriculture massive, l’élevage intensif et le transport des fruits et légumes sont très contributeurs de la pollution de notre planète.
Voici 7 technologies adaptées à l’agriculture, qui donnent l’espoir que chacun puisse manger à sa faim sans épuiser la Terre.
Produire de la viande végétale pour limiter son empreinte carbone
La production d’un gramme de protéine animale nécessite 15 fois plus d’eau, 20 fois plus de terres et émet 20 fois plus de gaz à effet de serre que celle d’un gramme de protéine végétale. La viande synthétique que l’on sait créer aujourd’hui à partir de cellule souche et cultiver en cuve, utiliserait bien moins d’énergie et ne rejetterait qu’une fraction d’émission de carbone que la viande naturelle. Mais ce procédé nécessite la multiplication de cellules animales dans un bioréacteur, très cher et très énergivore, et le résultat produit du muscle qui n’a ni l’apparence, ni la saveur de la vraie viande car exempt de sang et de graisse. Une nouvelle voie possible serait de combiner ces éléments avec des protéines d’origine végétale, comme le soja. Diverses start-ups ont investi pour réaliser des aliments proches de la viande à partir de substituts, comme les protéines de pois par la société américaine Beyond Meat. L’enjeu est de taille, soit un marché de 6 milliards de dollars d’ici 2025. Mais selon Mark Post, le créateur du premier burger artificiel, il faudra attendre encore 20 ou 30 ans pour pouvoir en produire suffisamment et remplacer la viande dans les habitudes de consommation.

Créer des fermes verticales hydroponiques
La culture hydroponique est une technique d’agriculture sous serre qui fonctionne sans terre, celle-ci étant remplacée par un substrat neutre irrigué par de l’eau enrichie en solution nutritive. L’idée n’est pas nouvelle et existe depuis de nombreuses années. L’avantage étant que cette forme d’agriculture imite les maladies, les insectes, et les aléas météo. L’agriculture verticale quant à elle, est fondée sur la superposition des cultures en hauteur, sur plusieurs étages, permettant un gain d’espace considérable et une production accrue. Le Japon est aujourd’hui à la pointe de cette culture, l’ayant développée dans les années 2000 pour répondre au manque de terres cultivables en milieu urbain. Ainsi Japan GrandPa Dome, situé à 500 km au nord de Tokyo, abrite sur plusieurs étages des milliers de plants de salade flottant sur l’eau, dans des salles fermées stériles et complètement automatisées. En France, la plus grande ferme verticale hydroponique d’Europe a vu le jour l’an dernier à Château-Thierry, développée par la start-up Jungle. L’agriculture verticale serait donc l’une des solutions aux exigences économiques et environnementales, même si toutes les plantes ne sont pas adaptables à ce type de culture, et que rien ne remplacera le terroir et le soleil pour donner du goût à nos légumes…

Utiliser des drones pour irriguer et surveiller les plantations
On utilise des drones en agronomie bardés de caméras et de capteurs pour pouvoir contrôler les cultures, afin de repérer les dégâts de nuisibles par exemple, ou pour analyser des données comme le niveau d’azote, de chlorophylle, de biomasse… Tout ceci apporte aux agriculteurs des informations utiles pour prendre des décisions durables et agir intelligemment. Les drones permettent également d’accéder à des zones compliquées d’accès sans endommager les produits, et d’ajuster la quantité de produits phytosanitaires en fonction des besoins et seulement où cela est nécessaire. Avec à la clé jusqu’à 70 % d’économies en pesticides. Cette technologie pourrait être la solution idéale pour les cultures à accès difficile (riz, canne à sucre, maïs, colza, tournesol….). Pour autant en France, la pratique du drone d’épandage reste toujours très contrôlée, jugé hautement néfaste pour l’environnement. Elle n’est ouverte pour l’heure qu’aux parcelles agricoles « présentant une pente supérieure ou égale à 30 % » afin de faciliter le travail sur place, avec des produits d’épandage uniquement certifiés en agriculture biologique.

Diversifier le nombre de plantes comestibles et nutritives
De « nouveaux aliments » émergent depuis des années en compléments alimentaires ou dans les assiettes des asiatiques. On citera les graines de Chia, que l’on trouve déjà dans bien des desserts, le jus de Moni, la pulpe de Baobab, le Konjac, le Fonio, le Chaga, et toutes une série d’algues dont certaines font depuis longtemps partie de l’art culinaire japonais et qui ont de multiples vertus. Et si demain nous pouvions aussi manger du coton ? Le département de l’Agriculture des États-Unis vient d’autoriser la production sur son territoire d’un coton génétiquement modifié sans gossypol, la toxine qui le rend impropre à la consommation. La graine de cette plante tropicale deviendrait alors une alternative au soja, la culture du coton représentant la deuxième source de protéines végétales au monde (9,4 millions de tonnes par an), couvrant ainsi les besoins de 600 millions de personnes. D’autres expérimentations ont réussi à « domestiquer » des espèces sauvages comme les physalis pour les rendre comestibles et compatibles pour une exploitation à grande échelle. Mais la modification génétique peut intervenir aussi pour enrichir en nutriments les plantes habituellement cultivées. Un exemple emblématique est le « riz doré », gorgé de vitamine A et commercialisé aux Philippines, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada et aux États-Unis. Ou encore des haricots « biofortifiés » en fer en zinc pour lutter contre les carences en Afrique.

Réduire le gaspillage et la surconsommation
Une étude prospective réalisée conjointement par l’INRA et le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) estime que la planète serait capable de nourrir tous ses habitants en 2050 sans mettre en péril l’équilibre environnemental de la planète, en associant une réduction des gaspillages et une rupture des habitudes de consommation. En effet, savez-vous qu’un tiers de la nourriture produite dans le monde part à la poubelle ? Près de la moitié des fruits et légumes et un tiers des céréales sont ainsi jetés tous les jours en raison de défaillances de la chaîne de distribution et de mauvaises conditions de conservation. Plusieurs entreprises travaillent heureusement sur des solutions pour réduire ce gaspillage. La start-up Apeel par exemple a mis au point une « seconde peau » qui double la durée de vie des fruits et légumes. En parallèle, il convient de travailler sur la surproduction et de faire évoluer les habitudes de consommation. Selon des études récentes, les besoins normaux d’un être humain sont de 3000 calories par jour avec une proportion idéale de 500 calories d’origine animale. Or, la consommation moyenne actuelle des habitants des pays industrialisés est de 4000 calories dont 1000 d’origine animale…

Promouvoir des élevages de poissons mieux nourris et moins polluants
L’aquaculture actuelle est certes très répandue (20% du poisson consommé en provient), mais elle n’est pas très écologique. En effet, l’élevage se fait au sein de « cages ouvertes », méthode qui contribue à libérer les déchets des poissons, comme le phosphore, dans l’environnement océanique. Les animaux d’élevage consomment de plus une grande quantité de nourriture, notamment sous la forme de farine et d’huile de poisson. Plusieurs initiatives sont intéressantes pour rendre cet élevage plus green. Des starts-up comme InnovaFeed ou Mutatec se sont lancées dans l’élevage d’insectes pour nourrir les poissons de façon plus durable. D’autres projets visent à substituer une partie des farines animales avec des produits végétaux (soja, algues), et à recycler le phosphore émis pour les besoins de l’agriculture. Enfin, l’Union Européenne teste en Norvège un nouveau système de cages fermées pour l’élevage du saumon de l’Atlantique. Dans le cadre de ce projet appelé Neptune, les poissons évitent tout contact avec le milieu marin environnant afin de minimiser la pollution et les épidémies. Des espèces herbivores, comme la carpe ou le tilapia, sont plébiscitées pour ce type d’élevages, face au saumon par exemple, carnivore, qui participe par ailleurs à l’effondrement des stocks de poissons sauvages.

Limiter les émissions de gaz à effet de serre agricoles
Dans le monde, 18 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues aux animaux d’élevage (leurs flatulences pèsent 40% des émissions globales de méthane). De nombreuses sociétés travaillent sur des compléments alimentaires qui pourraient permettre de réduire nettement ces émissions. La start-up suisse Zaluvida par exemple a développé un produit à base d’ail et d’écorce d’orange réduisant instantanément les émissions de méthane des ruminants d’au moins 30 %, en modifiant la composition bactériologique du rumen. Une étude européenne pilotée par l’entreprise française Valorex s’est quant à elle concentrée sur l’ajout de graines de lin cuit à la ration journalière. Le résultat annoncé est une réduction des émissions allant jusqu’à 37%. En Nouvelle-Zélande enfin, une équipe scientifique a réussi à élever des moutons qui émettent 10 % de méthane en moins.
Autre source d’émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole : les épandages d’engrais chargés en azote sur les cultures, qui représentent 20% de cette pollution. L’azote en effet apporte à la plantes des sucres pour lui assurer un bon développement. Pour lutter contre l’utilisation des ces engrais, les scientifiques se sont penchés sur les plantes qui savent fixer l’azote atmosphérique, comme les légumineuses (lentilles ou pois). Une start-up américaine, PivotBio, a réussi à mettre au point un fertilisant à base de probiotiques, capable d’aider les plantes à ingérer le fameux gaz. L’objectif est de transférer ce mécanisme dans les plantes qui sont incapables de fixer l’azote, comme le maïs ou d’autres céréales. En France, la société Gaïago investit également sur ce créneau avec son biostimulant FreeN100. Une solution bien plus écologique et moins coûteuse que les engrais chimiques.
