Le projet fou de la Grande Muraille Verte en Afrique


Le projet est ambitieux : élever une immense barrière végétale en Afrique, allant des côtes sénégalaises sur l’Atlantique, à Djibouti sur la mer Rouge en passant par le Sahel, et ce sur plus de 7 600 kilomètres de long, afin d’enrayer l’avancée du désert et de lutter contre le changement climatique. La Grande Muraille Verte (GMV), partie au départ d’une simple idée évoquée en 2005 par les présidents du Nigeria et du Sénégal et finalement lancée en 2007 à l’initiative de l’Union Africaine, est le programme phare du continent africain, qui vise à l’horizon 2030 à la restauration de 100 millions d’ha de terres dégradées et la création de 10 millions d’emplois verts. Avec un vrai enjeu socio-économique au delà de l’aspect écologique : accélérer la lutte contre la dégradation du Capital naturel, la pauvreté, l’insécurité alimentaire et l’adaptation au changement climatique.

Son tracé, large de 15 km, va de Dakar à Djibouti et traverse 11 pays : Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Ethiopie, Erythrée, Djibouti.

Tracé de la Grande Muraille Verte

Malgré le fait que le projet ait démarré il y a plus de quinze ans, peu de pays ont vraiment avancé. Sur les 100 millions d’hectares prévus d’ici à 2030, moins de 5 millions ont pu être correctement aménagés, soit à peine 4% du global. Certains pays se sont mis au travail dès 2008, d’autres des années après.

Les travaux ont été initiés au Sénégal, qui a alloué un budget annuel 1,3 million d’euros à la GMV. Les autorités sénégalaises se sont engagées à « reverdir» la totalité des terres où il tombe moins de 400 millimètres de pluie par an, sur toute la largeur du pays, soit 817 000 hectares. A ce jour, 130 000 hectares ont déjà été boisés. Les populations y ont planté des espèces arboricoles résistantes, comme l’acacia du Sénégal, qui produit de la gomme arabique, fréquemment utilisée comme émulsifiant dans les aliments et les boissons, ou l’arbre gao, aussi appelé Faidherbia albida, qui aide à fertiliser les sols pour qu’y soient notamment produit du fourrage et des cultures de base comme le millet. Des dunes ont également été stabilisées, et des terres agricoles terrassées.

Dans les autres pays, la Grande Muraille Verte n’en est encore qu’à ses balbutiements. C’est parce que le projet fait face à de nombreux obstacles. Déjà, le défi technologique est bien réel : planter des milliards d’arbustes et de plantes et leur assurer un apport suffisant en eau dans l’une des zones les plus arides du monde… De nombreux experts mettent par ailleurs en avant un manque de formation dans les techniques agricoles pour s’adapter aux conditions climatiques incertaines telles que les sécheresses à répétition, qui ont chassé les agriculteurs de leurs terres.

De plus, le budget du projet est phénoménal et ne cesse d’augmenter. Les chiffres évoqués pour le finaliser sont de 44 milliards de dollars, contre 3 milliards au lancement du projet. La mise de départ, de 170 millions d’euros, avait été répartie en 2007 par l’Union Africaine, aux pays concernés. Sur ce montant initial, seuls 38 millions venaient d’Afrique. Depuis, de nombreux financements extérieurs ont continué de soutenir le projet. Le dernier en date, de 10 milliards de dollars américains, a été alloué en 2021 par de nombreux pays dont la France, spécifiquement pour le Sahel et le Sahara. Il devrait donner l’impulsion nécessaire à la restauration des terres dégradées, à la sauvegarde de la diversité biologique, à la création d’emplois verts, et au renforcement de la résilience des communautés sahéliennes, dans cette région d’Afrique parmi les plus gravement touchées par la dégradation des terres et la désertification dans le monde, et où les températures augmentent plus vite que la moyenne mondiale à cause du réchauffement climatique.

Plantations au Sahel

Cet accélérateur, qui représente 30% des financements nécessaires pour réaliser les ambitions de la Grande Muraille Verte à l’horizon 2030, redonne espoir. De sont coté, Jeff Bezos a également promis 1 milliard de dollars lors de la conférence climatique de la COP26.

Mais au delà du défi financier, technologique et humain, l’enjeu est également politique : pour que le projet aboutisse, il faut réussir à mettre d’accord onze pays autour d’un tracé continu et cohérent. Avec six des pays traversés (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria et Tchad), soit plus de la moitié des pays adhérents, qui font face à des conflits armés. De fait, 50% des terres concernées sont actuellement inaccessibles pour des raisons de sécurité. A ce titre, la muraille est une manière de venir renforcer la lutte armée dans ces régions, en y apportant des moyens de survie pour les populations pauvres.

Malgré tous les obstacles, la Grande Muraille Verte reste un débouché commercial intéressant pour les investisseurs, comme le démontre une étude menée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et publiée dans Nature Sustainability en novembre 2021. Selon l’analyse, pour chaque dollar investi dans le projet, les investisseurs peuvent s’attendre à un rendement moyen de 1,2 dollar, sachant que les montants obtenus varient entre 1,1 et 4,4 dollars.

Avec le temps, l’énorme projet s’est éloigné de l’objectif de « barrière verte » de 15 km de large, supposée bloquer l’avancée du Sahara vers le sud et les régions semi-arides du Sahel. Il a évolué en une mosaïque de projets permettant de redonner vie aux écosystèmes, grâce à une diversité de méthodes : plantation d’arbres, culture durable, construction de systèmes d’irrigation et de rétention, fixation des dunes ou mise en terrasses, etc… Mais quelque soit son format, il apparaît essentiel à l’avenir et à la survie de l’Afrique.

Ferme d’agriculture biologique au Sénégal
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